Le corps mental

par | 12 Oct 2020 | Non classé | 0 commentaires

Il semble au quotidien omniprésent et omnipotent. « Je pense donc je suis » mais est-ce raisonnable de nous identifier à lui de cette manière ?

Si je suis mes pensées, qui suis-je quand je ne pense pas ? Quel est mon degré réel de proximité avec mon mental ?

Je vous propose une petite expérience : asseyez-vous et fermez les yeux et dites-moi si vous connaissez les prochaines pensées qui traverseront votre esprit dans les prochaines trente secondes ?

Avez-vous eu le sentiment de pouvoir observer vos pensées ? mais qu’il vous était aussi impossible de les prévoir ?

Dans « Le pouvoir du moment présent » Eckhart Tolle prolonge cette réflexion :

« Presque tout le monde entend en permanence une ou plusieurs voix dans sa tête (…) il s’agit du phénomène involontaire de la pensée. La voix passe des commentaires, fait des spéculations, émet des jugements, compare, se plaint, aime, n’aime pas, et ainsi de suite. Lorsque vous écoutez cette voix, faites-le objectivement, c’est-à-dire sans juger. Vous prendrez bientôt conscience qu’il y a la voix et qu’il y a quelqu’un qui l’écoute et qui l’observe. Ainsi, quand vous observez une pensée, vous êtes non seulement conscient de celle-ci, mais aussi de vous-même en tant que témoin de la pensée. » 

Ceci nous invite à nous désidentifier du mental, mais alors qu’est-il au juste ?

« Le mental est un magnifique outil si l’on s’en sert à bon escient. Dans le cas contraire, il devient très destructeur. Plus précisément, ce n’est pas tant que vous utilisez mal votre «mental» ; c’est plutôt qu’en général vous ne vous en servez pas du tout, car c’est lui qui se sert de vous. Et c’est cela la maladie, puisque vous croyez être votre mental.» Eckhart Tolle « Le pouvoir du moment présent ».

MENTAL INTUITIF OU RATIONNEL

Albert Einstein fait le constat suivant : « Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don. » Mais qu’entend-t-il par-là ?

Comme nous avons pu en faire l’expérience hier, notre mental apparait sous 2 formes de conscience interdépendantes :

D’un côté il y a le mental en action (appelé aussi bas mental, mental rationnel)

C’est là d’où jailli le flux constant d’idées, de sensations et d’émotions.

C’est le siège de la raison par le biais de la logique et du raisonnement, on peut l’associer au fonctionnement du cerveau gauche et l’assimiler à notre personnalité, notre ego.

De l’autre il y a le mental silencieux(appelé aussi haut mental, mental intuitif)

C’est cette conscience qui permet d’observer le mental en action et de prendre de la distance avec lui. Il donne accès à la guidance de l’intuition, au ressenti, à la sensibilité, aux idées innées et créatives de l’esprit et à notre capacité de synthèse, on peut l’associer au fonctionnement du cerveau droit.

Notre éducation est basée sur le développement du mental rationnel qui est passé du statut d’outil à celui de maître : l’évaluation de nos capacités dites « intellectuelles » régit notre destiné.

A l’inverse le don universel de l’intuition et le génie créatif (l’émergence impromptue d’une idée) sont rarement encouragés.

Paradoxalement, alors qu’Einstein est considéré comme un génie de la pensée rationnelle, il a, à de multiples reprises, fait l’éloge de l’intuition dans ses découvertes. Enfant, il raconte qu’il utilise son imagination de manière très libre et passe du temps à rêver éveillé !

LE MENTAL RATIONNEL

Notre mental rationnel est le siège de la réflexion et de ce qu’on nomme familièrement l’intelligence. Il renferme nos pensées, nos réflexions, nos connaissances mais aussi nos croyances, nos valeurs et nos conditionnements.

Notre histoire de vie nourrit sans cesse notre mental. Nos pensées sont à la source de nos comportements qui créent notre identité, notre personnalité.

Ainsi avec le temps un type de pensées correspondant à une situation deviendra familière à mesure qu’elle se répétera. Notre capacité à penser différemment s’amenuise ainsi en vieillissant, rendant nos tentatives de changement plus difficiles.

Par ailleurs notre mental rationnel fonctionne en mémorisant nos apprentissages. Cela nous permet de les utiliser de la manière la plus efficace possible, c’est-à-dire de manière inconsciente : une fois votre permis passé vous ne cherchez plus les pédales fort heureusement.

On considère que 95% de nos quelques 70 000 pensées quotidiennes sont inconscientes et que 40% de nos actions sont des habitudes.

Le mode inconscient régit notre vie. Il crée des comportements routiniers, des émotions familières qui confortent notre identité et nous permettent de réagir de manière rapide et prévisible à notre environnement.

Si notre pensée fonctionne de manière automatique comme un petit singe bondissant (pour reprendre une métaphore chinoise), il est cependant possible d’en reprendre partiellement le contrôle.

Plusieurs méthodes permettent de l’observer, de l’occuper, de l’orienter, voire de l’apaiser parmi lesquelles la méditation. Méditer peut transformer notre rapport à nos pensées.

L’approche de la méditation pleine conscience de J. Kabat Zinn nous permet d’explorer le flux de nos pensées !

LA MEDITATION

La méditation nous permet de nous familiariser avec notre mental silencieux. Ce niveau de conscience supérieur qui observe cette petite voix dans notre tète. Nous réalisons progressivement : je ne suis pas mes pensées, j’ai conscience de mes pensées, je suis cette conscience.

La pratique de la méditation est un outil simple et efficace à notre disposition pour ne plus nous identifier à nos pensées, sortir progressivement des schémas de fonctionnement qu’elles induisent et nous connecter à notre nature profonde.

Mais qu’est-ce que la méditation ?

La méditation est quelque chose de propre à l’homme : se retirer dans le silence, écouter la pluie tomber, sentir le vent sur notre corps sur la plage, prier, être ébloui par un paysage… sont des expériences méditatives.

Il s’agit d’une façon d’être présent que l’on peut contacter consciemment en exerçant son attention avec acuité et intensité sur un objet.

Méditer c’est donc avoir conscience de l’endroit où se pose notre attention, la diriger délibérément, au moment voulu et sans jugements.

Je rejoins mon mental silencieux et deviens l’observateur de ce qui se passe dans mon esprit, dans mon corps et autour de moi.

Je vous propose d’expérimenter la méditation pour observer votre mental : 

  • Installez-vous assis ou allongé
  • Mettez un minuteur en route pour 5mn
  • Fermez les yeux
  • Ressentez votre corps qui respire un moment
  • Puis soyez attentif à vos pensées
  • Observez-les comme des apparitions
  • Qu’elles soient des commentaires, des conseils ou quoi que ce soit
  • Chaquepensée se transformant en une autre puis une autre
  • Jusqu’à ce vous soyez conscient que vous avez été emporté par une pensée
  • et que vous reveniez à leur observation

LES HABITUDES

Observer notre mental peut aussi consister à explorer nos habitudes, qui permettent au cerveau d’arrêter de participer pleinement à la prise de décision afin de se concentrer sur d’autres tâches. Ce mode pilote automatique nous permet de faire plusieurs choses simultanément.

Charles Duhigg explique comment le cerveau crée une habitude en identifiant 3 éléments d’une boucle :

  • un signal ou élément déclencheur
  • s’en suit une routine
  • puis une récompense

À force de répétition, le cerveau anticipe la récompense : l’habitude est créée. 40% de nos actions quotidiennes sont des habitudes !

Pour modifier une habitude il faut donc procéder par étape :

  1. prendre conscience de son existence, cela semble simple mais le mode automatique est un mode inconscient et repérer que systématiquement à la pause je mange un cookie en discutant avec mes collègues à la cafétéria ne va pas de soi.
  2. Ensuite il faut s’observer pour identifier le signal et la récompense.

Le signal se trouve la plupart du temps dans ces 5 catégories : le lieu, le moment de la journée, l’émotion, les personnes présentes, l’action que je viens d’accomplir. On note donc ce qu’il se passe dans ces catégories lors du déclenchement d’une routine.

Pour la récompense on peut tester alternativement plusieurs possibilités (plaisir du sucre, gain d’énergie, bol l’air, se socialiser…) : en prenant une autre friandise, en prenant l’air ou en allant discuter ailleurs ; et voir si de retour après 15mn l’envie du cookie est toujours là ?

On peut ensuite changer l’habitude en remplaçant la routine.

C’est une méthode qu’utilise l’association les Alcoolique Anonymes : l’anxiété est un déclencheur / la routine est l’ébriété que l’on remplace par parler à quelqu’un / la récompense reste soulager son angoisse.

PENSÉES ET EMOTIONS

Nos émotions sont intrinsèquement liées à nos pensées qui constituent notre filtre d’interprétations des évènements. Comme nous l’avons vu la semaine dernière les émotions sont une charge d’énergie qui met en mouvement le corps et que nous reconnaissons comme telle. Les activités physiques et mentales s’entremêlent et l’ordre exact de ce phénomène fait débat.

Pour certains les émotions précèdent la pensée : les théories physiologiques affirment que les réponses à l’intérieur du corps sont responsables des émotions.

Les thèses neurologiques soutiennent que l’activité à l’intérieur du cerveau entraînent des réponses émotionnelles.

Enfin, les études cognitives suggèrent que les pensées et autres activités mentales jouent un rôle essentiel dans la formation des émotions. Certaines pensées génèrent ainsi des états de stress et d’anxiété́ chroniques. Les thérapies cognitives tentent alors d’accompagner la personne à modifier ses interprétations négatives de la réalité.

Mais si l’on dépasse une vision dualiste qui sépare le corps et l’esprit, les mouvements du corps (émotions) et les mouvements de l’esprit (pensées) apparaissent comme les deux faces d’une même médaille.

Il n’est en effet pas difficile de faire l’expérience simultanée d’une émotion et d’une pensée et de percevoir leur interaction. C’est ainsi qu’une peur par exemple devient une crise d’angoisse.

En fait 3 éléments interagissent de manière dynamique et dans n’importe quel ordre :

  • mes pensées créent des émotions
  • mes émotions créent un comportement
  • mon comportement crée des pensées

Dit autrement, ce que nous pensons et faisons influence la façon dont nous nous sentons. Certaines postures améliorent ainsi notre humeur.

LES CROYANCES

Les croyances sont des certitudes, consciente ou inconsciente, que l’on porte sur soi, les autres et la vie en général.

Elles nous sont transmises par la famille, notre environnement et toutes nos expériences. Elles sont toutes utiles à un moment donné (croyances ressources) mais certaines ne sont plus adaptées (croyances limitantes). L’enjeu est d’identifier celles qui nous empêchent d’avancer.

Nos croyances s’installent à travers nos pensées (automatiques) et grâce aux raisonnements erronés (distorsions cognitives) identifiés par les Thérapies Cognitives et Comportementales :

  • la pensée dichotomique : «vous êtes avec moi ou contre moi»
  • l’inférence arbitraire : «Elle ne m’a pas rappelé, elle n’a pas envie de me voir»
  • l’abstraction sélective : «J’ai gâché mon RDV avec lui car je lui ai marché sur le pied»
  • la pensée catastrophique : «Ma fille n’est pas rentrée, elle a du se faire kidnapper»
  • la disqualification du positif : «J’ai eu mon diplôme mais c’est un coup de chance»
  • le raisonnement émotif : «S’il m’a énervé à ce point, c’est qu’il l’a bien cherché»
  • la surgénéralisation : «J’ai été licencié, je n’ai jamais réussi à garder un boulot»
  • la personnalisation : «Mon père est dépressif car je le déçois»
  • l’étiquetage : «J’ai oublié le RDV, je ne suis pas fiable»
  • les fausses obligations : «Il faut aider ses amis, je dois lui prêter de l’argent»

La Programmation Neuro Linguistique distingue 3 sortes de croyances limitantes :

  • Croire qu’il n’est pas possible d’atteindre un objectif particulier
  • Croire qu’on n’en est pas capable 
  • Croire qu’on ne mérite pas d’obtenir ce qu’on veut 

Ces croyances entrainent des troubles. Il s’agit de les repérer, de prendre conscience de leur caractère irrationnel et de les modifier.

Un vaste programme !

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Copy link
Powered by Social Snap